Traduction du texte de Irvin Finkel dans " New approaches to board games
research, International instutute for Asian studies. Leiden,1995.
Board Games and Fortunetelling : a Case from Antiquity
Introduction.
Plusieurs écrivains du jeu influents, débutant peut être avec Stewart Culin
à la fin du siècle dernier, ont mis en avant l'association entre les jeux utilisant
les dés, et des processus d'aléatoire similaires dans le but de prédire le future.
De fait, il a été supposé que les dés eux-mêmes s'élaborèrent à partir d'un
matériel divinatoire d'une sorte ou d'une autre. Considérons, par exemple, les
deux paragraphes suivants de Culin (1895) : xvii-xvii :
Par la comparaison des jeux des populations civilisées avec ceux
des sociétés primitives de nombreux points de ressemblances apparaissent, avec
la différence majeure que les jeux sont considérés comme amusements ou passe-temps
au sein des hommes civilisés, alors que parmi les personnes sauvages et barbares
ils appartiennent à la sphère du sacré et du divinatoire.
Cela traduit naturellement une origine sacrée et divinatoire
pour les jeux modernes , une théorie, en fait, qui trouve confirmation dans
leurs associations traditionnelles, comme l'usage des cartes pour dire la fortune.
Les Jeux, je pense, ne doivent pas être regardés comme des inventions conscientes,
mais comme des survivances de conditions primitives, au cours desquelles ils
apparurent comme des rituels magiques et surtout comme un moyen de divination.
Fondés à partir de certaines conceptions fondamentales de l'univers,
il sont caractérisés par une certaine ressemblance, si non identité, à travers
le monde. Sans la confirmation à partir de preuves linguistiques ils sont insuffisants
pour établir avec certitude la connexion des races ou les transferts de culture.
Ils fournissent, cependant, la preuve existante la plus parfaite des fondations
sous-jacentes existantes entre les concepts de mythes sur lesquelles une grande
partie de notre culture est bâtie, et sont de la plus grande valeur de la vaste
application qui peut être faite des principes qu'ils illustrent.
Beaucoup des écrits de Culin au sujet des jeux de plateaux embrassent cette
thèse, et il élargit autre part sur comment différents types de matériels de
jeux et de paris peuvent être vu comme des évolutions de legs originellement
utilisés pour la divination ou les messages de fortune.
L'approche théorique de Culin comprend d'autres idées, tells que l'importance
fondamentale des quatre points cardinaux, et il a fait de vastes coups de balai
en termes d'évolution d'un type de jeu à un autre ( comme du pachesi aux échecs
), et peu d'écrivains qui l'ont suivi ont assumé d'observer des sujets avec
un point de vue si complet et courageux. Le rôle dévolu à la pratique de dire
la fortune dans les écrits de Culin n'est cependant pas morte. En 1962, au début
d'une discussion mathématique sérieuse, F.N.David écrivit dans " Games,Gods
and Gambling" p7 comme suit:
Il peut être suggéré que jouer pourrait être une idéalisation
lointaine du jeu de plateau où l'élément aléatoire est conservé et le plateau
rendu superflu.
Il est, par ailleurs, également probable, que jouer se soit développer à partir
du pari et le pari à partir du tirage au sort, l'interrogation des oracles,
et ainsi de suite, qui ont leurs racines profondes dans les rituels religieux.
En fait, bien que l'on rencontre souvent une association désinvolte et infondée
entre les mots divination et jeu, il n'est pas facile de produire une démonstration
convaincante de cela dans les écrits anthropologiques modernes.
C'est pour cette raison que la communication produite par Win van Binsbergen
à ce sujet a été particulièrement appréciable. L'article présent n'est pas,
cependant, concerné par le sujet évasif des origines préhistoriques, de la mantique
ou autre, mais se propose de documenter un cas historique particulier d'un lien
apparent entre le jeu et la divination dans le monde de la Mésopotamie antique.
II. Règles du jeu royal d'Ur.
En 1990 Finkel a eu la chance découvrir qu'un des textes cunéiformes babyloniens
maintenant conservé au British Museum à Londres était inscrit des règles d'un
jeu de plateau.
Des efforts subséquents ont conduits au déchiffrement de l'inscription et à
la réalisation que les règles concernaient un jeu identifiable, et qu'il s'agissait,
en fait, du jeu connu sous le nom du Royal jeu d'Ur, ou jeu des vingt cases.
Nous savons grâce à des témoignages archéologiques que ce jeu de course basic
était pratiqué à travers tout le Proche-Orient, au moins depuis 2600 B.C. et
très probablement avant, jusqu'à la fin du premier millénaire.
De nombreux plateaux, certains ornés et luxueux, d'autres éphémères graffitis,
ont été employés pour attester sa popularité persistance, et il est assuré que
dans sa distribution et son rôle général il constituait le jeu le plus populaire
du Proche-Orient ancien.
A. Le revers de la tablette.
Cette remarquable tablette cunéiforme est datée de l'année
177-176 B.C. (illustration)
Sur la deuxième face, ou revers, le scribe spécifie pour le lecteur moderne
les pièces, dés et tirages spéciaux, qui sont nécessaire au déroulement du jeu
dans la forme populaire à l'époque. A partir de ces règles, il est possible
de voir qu'un simple jeu de course, sa forme originale, a évolué en un jeu de
course hautement compétitif.
Les éléments essentiels concernant comme le jeu s'est développé et à fonctionné
sont illustrés au planches II et III. Il faut noter tout spécialement le mince
changement dans le dessin , du bloc original de six cases à la fin du jeu se
redressant, vers les environs de 2000 B.C., pour prendre la forme illustrée
sur la planche II, qui restera le modèle inchangé pour encore deux millénaires.
Ici les pièces ont une partie centrale pour s'affronter qui comprend douze
cases ininterrompues. Les règles nous disent qu'un jet spécifique était nécessaire
à l'entrée en jeu de chaque pièce, et que la fortune de chaque face dépendait
directement du fait qu'une pièce donnée s'arrêtait sur un cases marquée, ou
non. Pour chacune, il y avait un bénéfice spécifique si elle parvenait à s'arrêter
sur une rosette, et une pénalité correspondante si un tirage particulier forçait
un joueur a passer par dessus une rosette sans s'y arrêter.
Les règles sont exprimées de façon assez laconique, mais elles semblent produire
un jeu excitant et aux changements rapides si la manière de jouer suggérée est
adoptée, et les pièces sont soumises à cette course de saut d'obstacle. Il semble
probable qu'il y avait une cagnotte de jetons dans laquelle chaque joueur un
dépôt dont le montant était décidé à l'avance. Au cours de la progression de
la partie, si une pièce pouvait être conduite sur une rosette, le joueur recevait
le nombre de jetons approprié de la cagnotte, mais dans le cas ou un tirage
défavorable le forçait à passer à côte il avait à payer le montant équivalent
dans la cagnotte.
B. L'autre face de la tablette.
L' autre face de la tablette est inscrite avec un diagramme complexe et hautement
inhabituel, reproduit en translation ici (pl. II) , pour la photo voir Weider
1956 : 176 fig. I Le diagramme est formé de l'intersection de lignes horizontales,
verticales et diagonales. Le résultat est une toilede douzes rectangles subdivisés.
Les divisions centrales sont remplies par des signes cunéiformes.
Au milieu de chacune des cases se trouve représenté un signe du zodiaque.
Autour, on retrouve, inscrit dans le sens des aiguilles d'une montre, une courte
phrase sous forme de prédiction, une sorte de réminiscence des formules produites
par les diseurs de bonne aventure modernes sous une tente à l'aide d'une pièce
de monnaie. Une deuxième tablette cunéiforme, contemporaine de celle-ci, dont
la lisibilité n'est pas aussi satisfaisante, fournit cependant un duplicata
indiscutable, bien qu'omettant les signes du zodiaque.
Cette face, en lieu et place des règles écrites, a préservé une partie fragmentaire
d'un arrangement différent, ici montré en fig. IV . Depuis que nous avons établi
que le jeu de plateau utilisé à la période à laquelle a été écrite cette tablette
présentait une partie centrale composée de douze cases, il est des plus tentant
d'essayer d'identifier, les douze courtes inscriptions avec ces cases, voir
fig. V. Il sera d'ailleurs observé que dans certains cas il y a une relation
évidente ( en termes modernes ) entre le signe du zodiaque et sa légende associé
:
4 = Gémeau : tu trouveras un ami.
6 = Lion : tu seras puissant comme un lion.
8 = Balance : ( tu seras ) comme celui qui pèse l'argent.
11 = Capricorne : ( tu seras ) comme un qui possède un troupeau.
Une correspondance si claire peut difficilement être rejetée comme coïncidence.
Sur les huit cases restantes, néanmoins, la relation est plus difficile à mettre
en lumière ; la tradition babylonienne locale ne nous ayant été préservée dans
aucun autre contexte.
Alors que certaines phrases prennent la forme " tu seras " , d'autres commencent
" comme un qui ". Il y a des difficultés évidentes à interpréter le second type
comme une prédiction complète et indépendante, nous forçant ainsi à lire entre
les lignes "tu seras comme un qui"
Ici, donc, la déduction naturelle serait que cette grille de jeu, caractérisée
par son avenue centrale de douze cases, pourrait aussi être utilisée à l'occasion
pour une forme simplifiée d'exercice de divination. On peut reconstituer le
procédé comme suit. Probablement le client était représenté par un pion. Le
diseur de bonne fortune, après avoir lancé les os, accompagné par la récitation
des formules marmonnées et d'invocations accentuées par la respiration, annonçait
subitement son présage, en fonction de la position atteinte par son client sur
la table de jeu, et des prédictions qui s'y trouvaient associées.
Un professionnel convaincant pouvait compter, sans doute sur un répertoire
d'explications toutes prêtes et de coutumes additionnelles comprises de tous.
Comme les preuves provenant des tablettes elles-mêmes nous montrent qu'il existait
au moins deux schémas d'explications différents, on peut présumer que des facteurs
plus compliqués venaient interférer ; probablement, le choix du schéma approprié
dépendait de considérations astrologiques babylonienne , de la date de naissance
du client, et ainsi de suite (Sachs 1952 sur les pratiques d'horoscopes babyloniens.).
Dans une étude plus ancienne de ce matériel basée sur Bottéro 1956, l'assyrologue
Benno Landberger suggéra d'interpréter les douze phrases en cinq groupes connectés
deux à deux.
1. Celui qui s'assoit à la taverne [ un homme fort] qui va se
détourner.
2. Je sers à flot les lies pour toi : tu trouveras un ami.
3. Tu vas te tenir dans les hautes places : tu seras puissant comme un lion.
4. Tu sortiras du sentier : comme celui qui pèse de l'argent tu tireras de la
bonne bière.
5. Tu vas passer le sentier : comme un qui possède un troupeau tu vas couper
de la viande.
L'intérêt de cette approche est qu'elle fournit un résultat formé de cinq messages
dans un ordre prescrit (par les signes du zodiaque) . Cela peut constituer un
lien avec le fait que l'on trouve cinq rosettes sut la grille, bien que cette
relation soit délicate à expliciter.
Le problème suivant est que la vision élaborée à partir de ces douze subdivisions
formées par le scribe qui les a minutieusement inscrites sur la tablette, sont
dépossédés de leur utilité. Il existe plusieurs points singuliers soulevés par
ce document, et tous n'ont pas fait l'objet jusqu'ici d'une attention approfondie.
La plus complexe est la relation tissée entre le diagramme et les règles du
jeu., partant du fait que le sujet et la phrasologie sont liés. Comme indiqué
en fig. II, le scribe a délibérément choisi un moyen curieux pour exprimer les
développements plus ou moins favorables qui peuvent affecter ces pions.
1. Succès ou échec avec un femme dans une taverne.
2. Nourriture adéquate ou non.
3. Nourriture adéquate ou non.
4. Bière adéquate ou non.
5. Viande adéquate ou non.
Ces sujets figurent également de façon récurrente sur la face la tablette au
moyen de légendes écrites ; elles concernent le fait de bien boire dans une
taverne, l'amitié, et un service conséquent en viande et en bière. Un autre
facteur entretenant les spéculations nous est fourni par les noms affectés aux
pion du jeu eux-mêmes.
Ces noms sont ceux d'oiseaux ; quatre dont le nom nous est connu ( hirondelle,
corbeau, aigle et coquelet.), et un "storm-bird" qui reste encore indéterminé.
Il est suggéré que les quatre oiseaux identifiés sont connu également pour leur
utilisation dans la description de constellations astronomiques.
Si l'on suit la tradition l'hirondelle est W. Pisces (constellation du poisson
: 345°-30° ), le corbeau Corvus(=Corbeau : dans Balance180°-195°), l'aigle Aquila
( Aigle :dans Capricorne285-300°), et le coquelet Lepus ( Lièvre : ds Gémeaux,
juste en dessous d'Orion 75-90°).
Cela rend d'autant plus probable la supposition que l'oiseau tempête, bien qu'inconnu
par ailleurs, est un nom alternatif pour un oiseau servant à décrire une autre
constellation. Ces dernières ne peuvent, bien sûr, pas se déplacer au travers
du zodiaque, mais il existe peut être une possibilité pour que ces cinq noms
servent plutôt à décrire les cinq planètes facilement identifiable, Vénus, Mars
(corbeau), Jupiter, Saturne et Mercure.
En résumé, on peut imaginer que ces pièces astrales comparables à des oiseaux,
étaient conçus comme le corps fatidique se déplaçant au travers , ou volant
au milieu, du paradis.
III. Remarques générales.
Avant de tenter de proposer une trame satisfaisante pour considérer ce matériel
comme un tout il faut avant tout rappeler que tout ce qui peut détecté dans
les sous-entendus et les allusions des diseurs de bonne aventure, ne doit pas
faire oublier que la fonction ludique de l 'objet doit être considérée comme
primordiale.
La distribution archéologique des plateaux incluant des exemples crus et improvisés,
grattés à même le sol, montre que ce jeu n'était pas limité à une classe particulière,
mais constituait plutôt une forme d'amusement populaire répandue et durable.
Une découverte récente faite au British Museum est un éloquent exemple de la
réelle place du jeu. Beaucoup des visiteurs du musée doivent connaître les deux
taureaux jumeaux de taille grandiose, avec leurs barbes assyriennes. Ils gardaient
une des portes de la cité capitale de Khorsabad à la fin du 8e siècle.
Bien que le musée aient fourni un lieu d'accueil à ces bêtes depuis 1850 c'est
seulement depuis 1994 que l'attention de Dominique Collon à permis de remarquer,
à l'occasion d'une observation sur la sculpture des pattes, qu'entre elles se
trouvait gravé une grille pour jouer au jeu des vingt cases. Une observation
plus poussée à constaté qu'un dessin similaire se trouvait reproduit sur l'autre
taureau, ainsi que sur celui qui est conservé au Louvre. Il n'est pas difficile
d'imaginer les gardiens assyriens, chargés de superviser la circulation en de
hors et à l'intérieur de la ville, profitant d'un moment de quiétude, pour s'adonner
à une partie furtive hors de la vue de leurs supérieurs.
Il est ainsi possible d'assumer, à la présentation de tels
témoignages, que nous sommes en présence d'un objet réservé avant tout à l'amusement.
Néanmoins les précieuses preuves écrites dont nous disposons, indiquent également
quelque chose de plus que le jeu est en cause. Il est bien connu que les babyloniens
étaient fervents des pratiques divinatoires sous de nombreuses formes. Une de
leurs techniques les plus durables était de lire le foie d'un mouton sacrifié,
un sujet compliqué pour lequel parfois des modèles inscrits avec les différentes
parties soumises à l'examen était proposé aux moins expérimentés. Ces modèles
ont une forme caractéristique, qui trouve un écho avec la forme du diagramme
du jeu des vingt cases. Il existe en tout quatre modèles de ce type et trois
datent du premier millénaire avant notre ère, dont un fait de calcaire rouge,
retrouvé prés d'un temple et daté de 1350 B.C. étudié par Meyer .
Bibliographie de l'auteur :
Finkel, I.
1984 Nécromancie en Mésopotamie ancienne, in "Archiv for Orientforschung",
XXX, pp. 1-17.
1995 In Black & White : remarks on the Assur psephomancy ritual, in "ZA" n°85,
pp. 271-6.
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