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le port d'Aden |
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25 Wednesday September 2002
18h10, mercredi 18 septembre 2002 : Golden Daar hôtel dans la médina de Sana’a, la voix du muezzin m’accompagne pour vous relater les premiers souvenirs de notre arrivée au Yémen.
Après un voyage sans surprises, c’est la chaleur étouffante à notre descente de l’avion à Dubaï qui vient nous rappeler le dépaysement qui nous attend. L’intérieur de l’aéroport sera notre porte d’Orient, entremêlant un chapelet d’origines ethniques autour des symboles les plus modernes de la société occidentale dont nous nous sommes arrachés quelques heures plus tôt. Travailleurs d’Extrême-Orient, hommes d’affaires britanniques ou allemands aux regards hagards, cheiks solitaires ou en famille s’affairant autour de bijoux féminins ou technologiques se croisent dans l’indifférence d’un carrefour de transit.
L’atmosphère se transforme une fois franchie la zone d’embarquement de notre second vol en direction de Sana’a. Les hommes y sont largement majoritaires et semblent pressés de rentrer chez eux. Après quelques mouvements d’humeurs pendant le trajet dus à la fatigue générale ou peut-être à un sevrage de qât prolongé , nous arrivons au contrôle d’immigration de Sana’a où la modernité des écrans plats des ordinateurs offerts par les services secrets américains tranche avec le reste de l’équipement.
Nous avons la chance de découvrir la ville dans le calme du lever de soleil alors que les portes des innombrables boutiques bordant les artères principales de la ville sont encore closes. Sur une longue route se succèdent les échoppes aux portes métalliques colorées encore closes, quelques restaurants où les hommes attablés discutent nonchalamment dans la fraîcheur relative du matin pendant que d’autres, accroupis aux grands carrefours offrent leur force de travail et s’entassent à l’arrière de pick-up pour une longue matinée de travail. Dans le clair obscur de l’aube des silhouettes noires apparaissent au coin d’un bâtiment puis se faufilent dans l’encadrement d’une porte ou dans un chemin sinueux séparant deux immeubles à l’aspect récent.
Le chauffeur du centre culturel français nous dépose à la porte de notre hôtel situé aux abords de la large rivière asséchée qui sépare le quartier du souk de la partie plus moderne de la vieille ville. Il y a encore cinquante ans, les techniques de construction ressemblaient en tous points à celle dont le savoir immémorial se perd dans la nuit des temps et l’intérieur de notre hôtel témoigne de cette qualité de neuf ancien, privilège des capitales au passé prestigieux. Nous n’en verrons que l’entrée, la cour intérieure et une des chambres mais déjà nous nous émerveillons de cette architecture palatiale.
Notre guide pour la journée, secrétaire général du centre culturel français de la capitale, nous récupère chaleureusement au pied de notre demeure temporaire après que nous ayons pu compenser par quelques heures de sommeil réparatrices celles perdues pendant notre long voyage aérien. C’est en toute simplicité qu’il décrit à céline ses missions prochaines et relate en quelques mots son impression générale du pays, de la ville et de ce mystérieux port d’Aden où nous devons nous rendre à la fin de la semaine. Vers midi, nous visitons notre première ambassade. Porte blindée, garage de 4x4 et salutations informelles sont les premières impressions de ce passage rapide où l’on me laisse entrevoir que mes chances de séjour prolongé sur le sol yéménite ne sont pas si minces que cela.
13h30 : la journée officielle se termine pour les plus jeunes de nos compatriotes et le rythme local peu à peu se dessine. Chaque déplacement en voiture est l’occasion d’une bouffée d’exotisme : concert de klaxon, mendiants et vendeurs ambulants aux carrefours aux contours imprécis, enchevêtrement de fils électriques et d’enseignes aux couleurs criardes aux murs des maisons constituent le quotidien de cette ville affairée. De plus ces jours-ci elle s’apprête. Dans huit jours, le président Ali abd allah Saleh viendra célébrer en grande pompe l’anniversaire de la réunification yéménite. Alors on repeint les bordures de trottoirs, on asperge de bitume les routes principales dont on chassera le moment venu ces mendiants qui tentent de vendre aux automobilistes coincés dans la circulation des plus divers aux plus essentiels objets.
Nous partageons notre premier repas au Yémen en compagnie de deux compatriotes de notre âge et c’est dans une ambiance débridée que nous nous présentons plus en détail et que nous recevons en contrepartie les échos de la vie dans la communauté française de la ville. Pour clôturer cette douce première journée qui constitue notre introduction à l’Arabie, nous avons la chance de visiter l’appartement restauré de notre camarade du centre culturel français et d’admirer la souplesse des volumes et la finesse des détails de l’architecture yéménite. Les murs blancs jouent avec la lumière des vitraux pour dessiner des ombres fractionnées et modeler l’espace intérieur. La vue depuis la terrasse sort tout droit d’un conte fantastique dans lequel le héros solitaire attend l’attaque des armées adverses depuis son bastion fortifié et plonge son regard par-delà les montagnes aux contours accidentés pour évaluer la proximité du danger.
Laissé seul à l’hôtel pendant que céline remplie ses premières obligations professionnelles, je suis bercé depuis une heure par la voix du muezzin qui me parvient amplifiée depuis la mosquée voisine alors qu’au lointain, l’écho d’autres appels à la prière lui répond. De cet après-midi de découverte les images les plus frappantes restent, en dehors de l’aspect féerique de la vieille ville, de ses façades, de ses jardins et de ses fenêtres aux dessins envoûtants, le contraste saisissant de l’apparence fière et arrogante des costumes des mâcheurs de qât à la joue gonflée et de celle des femmes se résumant à un voile noir qui parfois laisse découvert un provoquant bas de jean à frange. Après douze heures au Yémen je ne sais toujours pas à quoi ressemble la femme locale et il se pourrait bien que je ne le découvre jamais.
19h00, Jeudi 19 septembre 2002 : nous revenons d’une longue ballade dans la ville ponctuée d’un tas de première fois ; premier taxi, première ballade dans la vieille ville, premier repas traditionnel et premier contact local en la personne de suleyman dont nous aurons l’occasion de reparler. La vieille ville est littéralement couverte d’enfants qui nous saluent aimablement en anglais et nous demandent de les prendre en photo : j’aimerais avoir mon polaroid mais se poserait alors la question de savoir à qui donner la photo parmi cette ribambelle enjouée. Nous marchons d’un pas lent entre les demeures imposantes alors que de l’intérieur retentissent les éclats de voix des discussions animées sous l’effet du qât. Très longtemps resté en autarcie quasi-totale, le Yémen s’est ouvert depuis peu à l’occident et consomme avidement ce qu’il offre de plus voyant. Du coup, on retrouve des produits américains auxquels on ne s’attendaient absolument pas : des ordinateurs récents ou des voitures luxueuses, des téléphones cellulaires dernier cri ou des fast food et autres chaînes à pizza américaines. Nous avons la chance d’admirer le coucher de soleil ce soir depuis le toit du mafraj de l’appartement de yannick, surplombant une mosquée de la vieille ville. Le mafraj est la pièce de réception de l’appartement de Sana’a typique. Il est constitué de larges vitres qui permettent d’observer au loin le paysage et permettent à l’esprit de s’évader pendant la lente mastication du qât. Le sol est normalement recouvert de feuilles de qât fraîchement récoltée et autour des convives sont disposés des pipes à eau et des théières pour les rafraîchissements. Quoi qu’il en soit, ce mafraj est encore vide et c’est sur son toit que nous observons les contours de la ville. De chaque côté s’élèvent d’imposantes montagnes alors que la ville se situe déjà à 2000 mètres d’altitude. Nous tentons ensuite l’aventure de chercher à manger dans un des souks de la ville et après avoir refusé quelques morceaux des boyaux sanguinolents nous nous rabattons sur des pois chiches cuits à la mode yéménite accompagnés de fines galettes de pain. Il faut que je fasse attention sans arrêt d’utiliser ma main droite pour manger car celle que j’utilise habituellement est considérée comme impure. Les locaux sont surpris de nous trouver ici mais ne semblent pas se formaliser de notre présence. Nous rentrons nous coucher sous une lune pleine qui fait briller les murs des tours de la ville et le sommeil s’empare de nous à toute vitesse.
5h30, vendredi 20 septembre 2002 : premier jour de prière en terre d’Islam : à défaut de me rendre dans une mosquée dont l’accès est interdit aux infidèles, je me lève à ce que je crois être l’appel de la prière du matin et je me rend dans la cour intérieure de l’hôtel où tout est calme. Il est en fait 3h00 du matin et j’apprends à mes dépends qu’il existe une sorte de prière supplémentaire à Sana’a pendant laquelle on lit des passages du Coran. La lune éclaire les quelques maisons que je peux apercevoir depuis mon emplacement et j’observe, dans le calme de la nuit, des étoiles encore inconnues à mes yeux. La prière se poursuit alors que je regagne ma chambre pour terminer ma nuit de sommeil.
Au matin nous avons la surprise de trouver suleyman à la porte de notre chambre alors que nous avions vaguement convenu qu’il appelle aux environs de neuf heures pour connaître nos projets. Le touriste est perle rare et nous allons bientôt nous rendre compte de sa valeur marchande. Notre petit déjeuner à peine avalé, la voiture de l’agence vient nous prendre pour nous faire découvrir les abords de la ville. Bien que nous nous soyons préparé à cette éventualité, leur ténacité force respect. Nous embarquons donc en compagnie de suleyman, moitié somali, moitié yéméni et de son chauffeur Fouad. Nous débutons la matinée par un arrêt au lieu-dit wâdi-Dar, sur un promontoire rocheux duquel on peu perdre son regard sur une vallée aux couleurs chatoyantes, sur lequel se rende les nouveaux mariés pour célébrer leur noces. Les femmes en sont absentes curieusement et les hommes paradent : danses en brandissant leurs jambia sous la direction d’un maître de la danse qui imprime le rythme et ses variations, dégustations de glaces et tirs de kalachnikov. Un parapentiste pas rassuré tente de prendre son envol pendant qu’autour de lui une masse compacte d’enfant se presse. Après avoir pris quelques photos, nous nous rendons à Dar-Al-Hajar, palais d’été de l’Imam de Sana’a au temps de sa splendeur. Lui et sa famille ont quitté le pays depuis car les temps de domination militaire ne leur sont pas tellement propices. Le palais se dresse au sommet d’un large rocher et s’articule autour d’un puit qui desservaient tous les étages de la maison. Des pièces distinctes pour les hommes et les femmes garantissaient la séparation des sexes. A tous les étages des niches sont creusés dans les murs pourvus d’ouvertures vers l’extérieur, dans lesquelles on disposait des cruches d’eau pour les maintenir au frais. La vue est à couper le souffle mais nous commençons peu à peu à nous apercevoir que la journée va nous coûter cher. En effet, le prix indiqué sur le ticket d’entrée du site est un simple tampon dont on change en fonction du client. Nous nous rendons ensuite dans un quartier juif, perché à l’extérieur de la ville dans lequel seulement quatre famille arabes vient aujourd’hui. Comme nos guides ne sont pas de grands spécialistes de l’histoire locale, la signification et l’évolution de ce lieu nous échappe et nous pouvons seulement constater son complet abandon. Les maisons tombent en ruine et l’on peut même voir des graffitis aux murs au milieu des figues de barbarie qui recouvrent le site. De retour dans la ville nous partageons un repas avec nos guides dans un repaire des plus typiques. Au bout d’une minute céline disparaît et c’est seulement avec l’aide d’un des serveurs que je la retrouve à l’étage avec son air d’innocence ingénue. Nos guides semblent encore plus inquiet que mois craignant l’incident diplomatique. De retour à l’hôtel à quatorze heures, nous nous séparons de nos guides non sans nous être acquittés de leurs services. 4000 YR pour la ballade plus l’entrée du site 1000 YR (détail amusant le prix du billet n’est pas imprimé mais tamponné suivant la tête du client), plus 1200 pour notre repas et celui de nos amis. Cela n’est bien sûr grand-chose pour nous alors nous sourions benoîtement sans toutefois être dupes.
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