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Galette de pain du matin |
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30 Saturday November 2002
Profitant des congés nationaux et religieux, nous avons élargis notre connaissance du pays et de ces habitants.
Du 28 au 30 Novembre nous nous sommes rendus en pays Himyarite à la découverte des vertes montagnes et de leurs villages reculés. La première partie du voyage s’est effectuée en compagnie de trois expatriés belges qui travaillent pour Handicap International et d’un chauffeur yéménite.
Partis de bon matin, nous avons parcouru sans encombre la route qui relie Aden à Taëz, capitale économique du pays, arrachant aux montagnes qui la ceinture l’espace nécessaire à son expansion anarchique. Cette route lancinante que nous connaissons maintenant mieux que toute autre, débute par une longue ligne droite bordée d’une lagune à droite sur laquelle vaquent paisiblement quelques flamants roses et de fainéants hérons et à gauche par le port qui se referme au-delà du cratère qui délimite la ville.
Nous filons sur cette bande bitumeuse vers les quartiers populaires de Cheikh Othman et de Mansura où grouille une foule indéfinissable au milieu des bâtiments perpétuellement en construction. Nous quittons Aden pour la province de Lahej, poumon agricole de la région où s’entremêlent les papayers, les bananiers et les palmiers que le vent agite en tout sens. Passé le wadi, maintenant a sec, qui arrose ces champs irrigués, nous entrons dans une partie désertique où rayonnent encore quelques fleurs jaunes au milieu des dunes arrondies. La suite est une succession de villages-rues dans lesquels se pressent les marchands et les désormais familiers mâcheurs de qat, entre les garagistes noircis par l’huile et le cambouis et les paysannes transportant sur leurs têtes la récolte du jour.
Entre ces concentrations humaines se dressent majestueux les premiers pic rocheux qui caractérisent le paysage yéménite. Leur uniformité de façade recouvre en fait une grande diversité de courbes et de couleurs que le soleil flamboyant se charge de révéler par sa course journalière.
Taëz derrière nous, nous attaquons la montée vers ce qui fut, lorsque la bonne marche des cérémonies funèbres de Rome à Babylone en passant par le Caire dépendaient de l’encens de l’Arabie Heureuse, un des royaumes les plus prospères du Proche-Orient ancien. De sa capitale, Zafar, il ne reste plus que quelques maisons et étables creusées dans la roche et des sculptures animalières aujourd'hui incorporées dans l’habitat moderne. Les habitants se pressent pour nous faire découvrir ces maigres vestiges dans l’espoir d’un substantiel bakchich. Quelque uns nous accompagnent dans une courte randonnée nous permettant d’admirer les chaînes montagneuses qui s’étendent de toutes parts. A notre retour une partie de football animée rassemble l’essentiel du village sur ce qui était peut être autrefois la fierté des rois locaux.
Nous descendons vers la ville d’Ibb à l’heure où tous rompent leur jeûne pour nous reposer de ces longues heures de voyage. Au matin, nous redécouvrons le centre historique de la ville dominant les quartiers nouveaux de son charme rustique. Se perdre dans son dédale de rues cabossées au petit matin est un plaisir nous transporte plusieurs siècles en arrière et s’est seulement en retrouvant les boutiques aux enseignes criardes et la multitude bruyante que nous retrouvons l’esprit du temps.
Après avoir vainement cherché un chemin de randonnée nous conduisant dans la cité de la reine Arwa, nous nous retrouvons en face d’un village adossé à la montagne auquel mène un chemin étroit et escarpé auquel des gamins déguenillés essaye d’échapper en s’accrochant à l’arrière de notre véhicule. Nous voici à Djibla, autre capitale de royaume où se dresse les ruines de ce qui fut autrefois le palais aux 365 chambres d’une reine de l’histoire du pays et quelques unes des plus belles mosquées du centre du pays. Reconnue pour sa gestion sage et éclairée, elle faisait encore récemment le bonheur des habitants qui voyaient chaque jour trois bus décharger ces portefeuilles ambulants munis d’appareils auto-focus que l’on affuble parfois du qualificatif de touriste. Ce jour nous étions seuls, suivi de l’inévitable marmaille qui trompe l’ennui en faignant de nous trouver un exotisme dont nous sommes les premiers surpris. Leurs sourires francs et leurs yeux rieurs nous rechauffent le coeur.
Une visite du musée local et un repas pris en catimini en compagnie de guides improvisés, mais néanmoins polyglottes, plus tard, nous repartons en ballade sur les hauteurs de la vieille ville. Nous parvenons finalement à nous défaire de toute compagnie pour nous abîmer dans une contemplation sans objet qu’interrompt la plongée rapide du soleil derrière les mamelons volcaniques qui rient de notre agitation. De retour dans le village, nous rencontrons le fils de l’ancien imam qui ne laisse pas passer sa chance de nous inviter dans sa modeste demeure pour rompre le jeûne. La communication est réduite aux plus simples expressions de l’hospitalité et de la générosité et nous partageons sourires et plats divers assis en rond dans une salle à manger improvisée. Le repas rapidement avalé, les femmes vont saluer la maîtresse de maison pendant que nous partons avec notre hôte pour une visite nocturne de la mosquée et du souq. Alors que j’imagine céline et ses comparses tenant de nouer une impossible conversation, nous nous dirigeons vers une destination inconnue qui se révèlera être la demeure du cheikh local et frère de notre guide du soir. La suite est maintenant devenue un classique ; thé, qat et questions diverses sur nos raisons d’être ici. Il est temps de délivrer nos compagnes. Impossible cependant de partir sans prendre rendez-vous pour le lendemain. En effet, alors que nos compagnons de voyage s’en retournent sur Aden, nous bénéficions d’une journée supplémentaire pour parfaire notre découverte de la région.
En guise de petit déjeuner, nous déambulons dans les montagnes au sein de minuscules villages, surveillés par d’invisibles sentinelles perchés dans quelques bâtisses posés en équilibre sur les crêtes de ces pics rocheux que traverse un wadi méandreux. Les lézards et les serpents s’agitent à notre passage et s’offusquent du bruit que provoquent nos pas mal assurés. Ne souhaitant pas prolonger cette intrusion et risquer ainsi leur courroux, nous repartons en direction de nos amis de la veille, en vue de partager le repas traditionnel de rupture du jeûne. Les habitants de Djibla nous ignorent maintenant complètement et nous pouvons goûter quelques instants de normalité. Les choses sérieuses reprennent lorsque notre ami Mohammed fait son apparition. S’étant mis en tête de nous faire visiter la grande mosquée de la ville de l’intérieur, il insiste (voire exige) que nous nous déguisions en yéménites. C’est donc vêtu de la robe traditionnelle, portant le couteau a la ceinture et le foulard sur la tête que j’accompagne céline recouverte d’un châle orange et d’une longue robe noire dans ce lieu sacre. Un diablotin m’aborde à mon arrivée et m’assure qu’il occupait dernièrement le poste d’Imam à la mosquée de Paris. Apres cinq minutes au sein des pratiquants assis en tailleur, le livre saint pose sur les genoux, l’Imam en chef m’aborde et se met en tête de me faire réciter la profession de foi du musulman. Je la connais depuis mon voyage en Turquie et pour l’impressionner je termine une des phrases. Cela bien sur, provoque sur son visage un immense sourire de satisfaction et m’en débarrasse pour quelques instants. La récompense de cette mascarade est la visite du minaret vieux de cinq cents ans duquel on peut admirer la ville sur laquelle résonnent les derniers rayons du soleil. Il faut se hâter pour retrouver nos ôtes d’un soir qui attendent depuis le matin leur repas récompense.
Assis en rond autour des mets qui se multiplient au fur et a mesure des allers-retours vers la cuisine où l’on imagine une tripotée de femmes en pleine activité, nous partageons ces saveurs délicates en compagnie des hommes du Cheikh. Notre ôte gouverne en effet cette province, malgré ses capacités intellectuelles limitées. Cette fois-ci, je joui d’un interlocuteur de choix en la personne de yaza, avocat local, rompus aux techniques occidentales et diplômé de la faculté de droit de Tunis, grand amateur de vin et de langues. Nous pouvons échanger quelques impressions sur Paris et sur le Yémen avant que le qat n’emplisse nos bouches et nos esprits. La suite est plus ennuyeuse et consiste principalement en commentaires sur les programmes télévisuels.
Nous dormons peu et mal et au matin nous repartons en taxi collectif vers notre cratère nostalgique, les yeux encore recouverts des mille et un rêves qui s’entrechoquent dans nos esprits.
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