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17 Monday February 2003
C'est de très bon matin que nous quittons une ville où quelques ombres furtives
se dirigent vers la mosquée pour la prière matinale. Dans l'aéroport désert
où seuls s'agitent quelques moustiques assoiffés de sang frais, nous attendons
d'embarquer pour l'île de Socotra à quelques 400 Km des côtes du Yémen,
au large de la Somalie. Un bout de terre détaché du continent Africain il y
a plusieurs dizaines de milliers d'années, hôte de plus de trois cents espèces
endémiques d'arbres et d'animaux.
Après une courte halte a Sana'a, nous survolons le paysage fantastique des
montagnes du Yémen entrecoupées de larges rivières à sec. Après une heure de
vol, nous atterrissons à Hadibo, capitale de l'île. Chaque arrivée d'avion
est un évènement pour les habitants qui dépendent du continent pour nombre de
produits de première nécessité, tel que les fruits ou les légumes, rares
sur l'île, les pièces détachées pour les rares voitures qui y circulent grâce
au carburant importé et bien sûr le qat qui se consomment sur l'île deux fois
par semaine lorsque un avion atterrit à Hadibo. C'est donc la moitié de la population
de Socotra qui nous attend à l'aéroport dans un tumulte indescriptible.
Ahmed, employé par l'association humanitaire triangle nous réceptionne et nous
conduit dans Hadibo par l'unique route goudronnée de l'île. Un rapide déjeuner
avalé dans un des restaurants de l'unique rue marchande de la ville, nous nous
rendons sur le bord de mer pour nous perdre dans la contemplation d'une eau
translucide où deux dauphins viennent nous souhaiter la bienvenue. Un coucher
de soleil plus tard, nous retournons dans nos quartiers où défilent les amis
de notre hôte, attirés par notre présence mais surtout par une télévision avec
antenne satellite, alimentée par un groupe électrogène, raretés sur l'île.
Le lendemain nous partons à la découverte de l'île en 4x4. Première halte à
Ayfhet, zone protégée au milieu des montagnes où vivent quelques éleveurs
dont les maisons de fortune se confondent avec les arbres avoisinants. Nous
partageons un poisson grillé, du lait caillé et quelques verres de thé avec
quelques locaux à l'ombre d'un arbre majestueux.
Nous reprenons ensuite la route
en direction de Qalansya, seconde ville du pays, zone de Malaria
endémique et extrémité ouest de l'île. Après deux heures de déambulation sur
une piste caillouteuse et accidentée, nous arrivons en vue de la lagune. Une
large plage d'où l'océan a peine à se retirer, peuplé seulement par plusieurs
centaines de crabes jaunes et d'oiseaux jouissant d'une paix royale.
Nous sommes les seuls à déranger leur quiétude, foulant d'un pas léger un sable
d'un blanc scintillant. Quel bonheur d'être seuls sur une plage avec la montagne
comme unique spectateur, réfléchissant ses reflets rougeoyants dans les eaux
de la lagune. Un coucher de soleil et quelques verres de thé plus tard, retour
de nuit vers la capitale, le coeur léger.
Dimanche, départ pour le Nord-est de l'île, pays d'origine d'Ahmed. Sur la
route du gigantesque plateau qui sépare Hadibo de notre destination, nous pouvons
admirer la verdure du paysage, encerclé de montagnes et peuplé d'arbres inconnus,
parfois ornés de petites fleurs roses, semblables à celles des lauriers roses.
Après un arrêt en bord d'une mer aux couleurs paradisiaques, nous arrivons après
quelques heures dans la zone de Mumi, dans la demeure d'un cheikh local
qui nous accueille dans sa salle de réception construite autour d'un arbre aux
branches torturées. Quelques tasses de thé plus tard, nous nous mettons d'accord
pour le programme des jours à venir en vue d'une découverte des environs à dos
de chameaux. Nous plantons la tente aux abords du hameau et nous nous endormons
tout excité par les évènements à venir. C'est de bon matin que nous nous hissons
au sommet des chameaux qui nous serviront de montures pour les deux jours à
venir. Accompagnés du cheikh et d'un de ses enfants nous parcourons un nouveau
plateau, circoncis par de vieilles roches érodées par le vent et la pluie, abri
pour les pasteurs locaux. Quelques citernes de fortunes complètement
vides témoignent des difficultés d'approvisionnement en eau, alors qu'un soleil
de plomb nous assèche peu à peu le gosier.
Heureusement, une halte est prévue chez la soeur du cheikh. Retour dans le
temps. Nous nous retrouvons assis dans une grotte où l'objet le plus
moderne est un thermos pour le thé. Rien n'a changé depuis plusieurs milliers
d'années et nous partageons un peu de riz avec les habitants de la caverne.
Nous distribuons cigarettes, médicaments et ballons gonflables pour la plus
grande joie du petit mohammed que nous apprivoisons par ce biais. Retour sur
nos chameaux après quelques heures de farniente et une sieste préhistorique,
à travers les montagnes couvertes d'une végétation éparse où les arbres ont
peine à pousser en raison d'un vent terrible qui souffle pendant la moitié de
l'année, vent de mousson qui balaye tout sur son passage.
Presque seuls au monde, nous admirons les beautés du paysage balancés par la
démarche ondulante de nos chameaux. La fin du jour s'approche et nous arrivons
en vue de la zone de HomHil, verdoyante et montagneuses où vit la famille
d'Ahmed. Il est le premier à nous accueillir et nous plantons la tente en sa
compagnie, légèrement à l'écart du groupe de maisons dans lequel vivent encore
ses parents. La plupart de ses habitants ne parlent que quelques mot d'arabes
et quasiment aucun d'anglais. La langue locale, ainsi que sur le reste de l'île,
est le socotri, langue n'existant que sous la forme orale, d'origine
pré-islamique, apparentée à la langue Mahri parlée dans la région
de Mahra en Arabie du Sud.
Nous passons donc un temps certain dans une espèce de salle commune, faite de
branches de palmier nouées à l'aide de cordages, où chacun entre et sort à sa
convenance. Nous buvons chaque jour dans cette salle une trentaine de verre
de thé, au choix avec ou sans lait. Heureusement que notre séjour en Angleterre
nous a vacciné de cette curieuse coutume. Le lendemain de notre arrivée coïncide
avec l'ayd al qabhir, célébrant le non sacrifice d'Ismaël par Abraham.
L'attraction principale de cette journée est le sacrifice d'une chèvre,
menu fastueux pour les locaux plus habitué à leur ration quotidienne de thé
et de riz. C'est donc avec ferveur religieuse et appétit que le village entier
se rassemble dans la salle commune pour faire un sort à la moindre parcelle
de viande comestible sortie de l'intérieur de la chèvre, boyaux et intestins
compris.
Pour digérer, nous repartons sur nos chameaux pour une courte ballade.
Nous remontons à pied le cours d'un wadi à sec pour déboucher soudainement sur
un paysage à couper le souffle. Une piscine naturelle s'est formée dans
le cours du wadi et un petit ruissellement vient la maintenir bien remplie.
Au-delà de cette piscine, les flots tumultueux se sont creusés dans la roche
une cascade à leur mesure, puis dévalent jusqu'à la mer dans un wadi bordé de
palmiers dattiers que l'on aperçoient en contrebas. Nous restons assis presque
une heure à contempler ce paysage dont on imagine l'aspect grandiose lorsque
dame nature déchaîne les vents de moussons gonflant le niveau des hauts jusqu'à
la démesure. Nous quittons à regret ce lieu pour retourner vers nos montures.
Pour nous consoler, le cheikh nous gratifie d'une petite démonstration d'escalade
sur un des ces arbres que les anglais appèlent "dragon-blood tree", car
de leur tronc s'élancent de nombreuses branches nues terminées par des feuilles
larges et pointues ressemblant à des branches de cactus. Le tout forme une espèce
d'entonnoir naturel mais fermé au sommet par les feuilles. Voilà je pense pour
ce qui est du dragon. Le blood s'explique par la présence d'étranges cailloux
cristallins, rouge sang, sur les branches et le tronc des arbres, que les femmes
utilisent ici pour colorer leurs pieds, leurs mains ou leurs ongles.
Journée idéale qui se prolonge malheureusement tard dans la nuit en raison de
l'attaque sanguinolente de puces rageuses, laissées en cadeau par nos montures
des derniers jours, qui parviennent en l'espace d'une nuit à nous recouvrir
tous deux d'une centaine de piqûres chacun qui sont autant de démangeaisons
potentielles.
Les photos du séjour vous parviendrons peut être un jour mais je crains qu'elles
ne témoignent qu'en substance de l'incroyable atmosphère qui règne sur cette
petite île qui hésite entre les avantages de la modernité et le statut de conservatoire
naturel, mais qui reste à ce jour un des rares endroits où la vie sans artifices
existe.
Pour ceux qui souhaiteraient s'informer d'avantage sur la bio-diversite de l'ile, deux adresses internet:
- un site en relation avec le programme des Nations Unies pour la sauvegarde du patrimoine Socotri
- du Royal Botanic Garden Edinbourgh Institute avec de nombreuses ressources sur Socotra
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